Les mille vies de Vincennes

Tour à tour forteresse, résidence royale, arsenal ou prison, le château de Vincennes réserve bien des surprises. Le roi Louis VII, au XIIe siècle, fait construire à cet emplacement un pavillon de chasse où Louis IX aimait séjourner et ajouta une Sainte Chapelle, affirmant ainsi l’importance de ce lieu. Mais c’est Charles V qui le transforma en une immense forteresse dominée par le plus haut donjon d’Europe. Son architecture imprenable en fit un refuge idéal pour la famille royale à l’Est de Pari et un lieu parfait pour y enfermer les prisonniers de marque…

La plus grande forteresse

Les atouts de Vincennes sont nombreux : la proximité avec la capitale parisienne dont l’importance grandit, la présence d’un bois permettant de chasser, l’arrivée de deux anciennes voies romaines comme la proximité du réseau fluvial tout proche en font un lieu idéal pour les souverains. Si Louis VII est le premier à s’y installer, Louis IX lui donne ses lettres de noblesses en y passant beaucoup de temps et en construisant une Sainte Chapelle (merveilleusement restaurée). Ce faisant, il confirme l’importance de ce lieu. Mais c’est Charles V qui lui donna sa dimension à l’image de l’Etat moderne qu’il bâtissait. En pleine Guerre de Cent Ans, il souhaite une véritable cité fortifiée qui lui permettrait pour la première fois d’être entouré de ses conseillers, même en temps de guerre, leur proposant à chacun de défendre sa tour, indépendamment les uns des autres. Si les tours ont presque toutes été arasées, le donjon reste le plus haut d’Europe et témoigne d’une architecture extrêmement audacieuse.

La forteresse fut modifiée en temps de paix, pour accueillir des souverains étrangers mais également le jeune Louis XIII après l’assassinant d’Henri IV. Démodé par la suite, mais toujours aussi bien situé, Louis XV y installa sa manufacture de porcelaine qui devait ensuite être transportée à Sèvres…

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L’époque carcérale : « selon que vous serez puissant ou misérable »

L’une des fonctions les plus célèbres de Vincennes reste toutefois son rôle de prison. Dès la fin du XVe siècle, le donjon est transformé par le roi Louis XI afin d’y loger des prisonniers de marque. Il le restera jusqu’au milieu du XIXe siècle avec des conditions d’enfermement très différentes « selon que vous serez puissant ou misérable ».

Entre ses murs épais séjournent certaines figures marquantes de l’histoire de France. Le premier parmi les plus célèbres des prisonniers est Henri de Navarre, futur Henri IV pendant les guerres de religion, bientôt suivi par l’abbé de St-Cyran, théoricien du jansénisme. Puis vinrent le cardinal de Retz, enfermé sur ordre de Mazarin, le Grand Condé lors de la Fronde, la Voisin, pour l’affaire des poisons et Nicolas Fouquet.
Au siècle suivant, les philosophes des Lumières firent également les frais d’une justice parfois expéditive… Vincennes « accueillit » le marquis de Sade qui y écrivit Justine, ­Mirabeau, qui, lui aussi, rédigea ses Lettres du donjon, Diderot et Rousseau, avant que Napoléon y fasse exécuter nuitamment le duc d’Enghien. Plus tard, Auguste Blanqui et Raspail y séjournèrent, sans oublier les 600 résistants qui furent fusillés par les Allemands en 1944 lorsqu’ils occupaient le château…

Pour la petite histoire….

Comment se débarrasser d’une personne encombrante ? Au XVIII^e siècle, la solution est toute trouvée : demander une lettre de cachet ! Signées par le Roi, ces lettres peuvent ordonner un emprisonnement ou un exil sans jugement. En pleine époque des Lumières, les écrivains et les philosophes en font les frais : Diderot en 1749 et Mirabeau, en 1777 seront incarcérés à Vincennes

Crédits photos : Pixabay / Pierre Calamateros  – Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

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